historique

Visite guidée de Bellegarde - Historique du château et de l'église (extrait de l'ouvrage de J.H. BAUCHY )

Il faut commencer la visite par l'église, prendre à gauche de l'entrée du château et gagner la place de la halle ; On admirera d'abord la façade romane de la fin du XIIe siècle, où l'on sent l'influence du style poitevin. Au-dessus du portail encadré de deux arcades trois fenêtres en plein centre éclairent la nef.

A l'intérieur, la nef de style roman, couverte d'un beau plafond à lambris, contient des oeuvres d'art intéressantes : A droite, la descente de croix de Le Brun, primitivement placée par le président de Besigny dans le retable de sa chapelle funéraire (actuellement chapelle Saint Joseph, au sud du choeur), la vierge aux lis, de P. de Cortone, la Sainte Famille, de Maratta, un Saint Jean attribué à Pierre Mignard, qui serait le portrait de Louis XIV enfant, pour d'autres, de Mme de Montespan (?) Enfin un Saint Sébastien, d'Annibal Carrache.

Le sanctuaire a subi bien des modifications, mais à droite et à gauche sont de belles chapelles du XIIIe siècle. Celle de droite contient la pierre tombale présumée de François-de-l'Hospital, seigneur de Soisy-aux-Loges.

En sortant de l'église par la porte latérale du côté nord, on ne manquera pas de jeter un coup d'oeil sur le presbytère installé dans l'ancien prieuré de la fin du XVe siècle .

Repasser devant la façade de l'église, traverser la place de la halle, pour prendre à gauche la rue qui conduit aux dépendances du château.

On passe d'abord devant le pavillon du dôme ou des écuries, au majestueux fronton orné des armes du duc d'Antin et dont l'arcade cintrée est couronnée de trois têtes de chevaux.

On traverse ensuite le jardin public d'où l'on jouit d'une belle vue sur le donjon. Remonter par l'allée bordée à droite par le parapet des douves ; à gauche, par la roseraie et pénétrer dans l'île, par le pont sud ; cependant avant de traverser le pont, on pourra suivre la berge vers l'ouest, et l'on découvre une agréable perspective de la façade ouest du donjon.

Du pont sud, on voit la façade construite par Gilbert de Voisins. Pour comprendre le château il sera bon de lire alors son histoire.

Après avoir admiré la façade avec ses escaliers monumentaux, et la galerie supérieure, supportée par des colonnes doriques et donnant accès à la chambre du roi, on contourne à gauche le château pour gagner le pont nord.

Puis, en suivant la berge gauche, on arrive au pavillon de la surintendance qui baigne les douves, puis une propriété privée : Le pavillon capitaine, avec sa tour ronde et à droite de la tour, le bâtiment contenant les cuisines géantes du duc d'Antin.

Il faut enfin visiter dans le pavillon "Salamandre" occupé par la mairie, la salle du Conseil municipal qui occupe un ancien salon du duc d'Antin admirablement restauré sous la direction du Service des Monuments Historiques ; cette pièce est entourée de boiseries d'un dessin délicat et élégant dans le style de Boffrand : un décor blanc et vert ajoute encore au charme de ces boiseries.

Pour quitter Bellegarde, on prendra la rue qui est à gauche de la route de Montargis, puis, à la sortie de l'agglomération, la route à droite qui conduit à Quiers.

1. L'HISTOIRE DE BELLEGARDE

1. LES ORIGINES

A la différence des villages environnants, Quiers, Fréville, Auvilliers, Ouzouer, Ladon, qui ont tous livré des outils et des armes préhistoriques, des trésors de monnaies gallo-romaines, attestant leur antiquité, le site de Bellegarde, à l'époque de l'occupation romaine, était encore un marécage ; la place de l'église occupe la cuvette d'un ancien étang, repéré à plusieurs reprises.

Ce n'est qu'à la fin du XIe siècle que cette bourgade entre dans l'histoire ; on pense, sans en avoir la preuve, qu'une église primitive et un donjon furent alors construits, dont quelques fragments paraissent avoir été réemployés dans les monuments du XIIe siècle : les modillons très frustres, sinon archaïques du portail de l'église, ainsi que les consoles soutenant au sud les tourelles d'encorbellement du donjon.

2. PREMIERE CAMPAGNE DE CONSTRUCTION AU XIIe SIECLE

Au XIIe siècle, Bellegarde s'appelait Soisy-aux-Loges, ou en langue de clercs "Sociasum". C'est dire que la forêt des Loges recouvrait l'emplacement actuel de la ville. On retrouve ce suffixe à Fay, Vitry, Courcy, et naguère Neuville.

Ses défricheurs furent des chanoines réguliers de discipline augustinienne, qui vinrent du couvent de Saint-Jean-Lès-Sens. Ils devaient garder la direction paroissiale du pays jusqu'à le Révolution (le dernier prieur, M. Lemaitre, étant même revenu à Bellegarde, lors du Concordat).

Ils entreprirent dans le second tiers du XIIe siècle, la construction de l'église actuelle, Parallèlement un donjon s'édifiait, que nous ne connaissions jusqu'ici que par un texte de 1180 (Bulle du Pape Alexandre III relative au prieuré de Flottin) qui dit "Pontii Militis de Sociaco" en parlant d'un certain "Ponce, chevalier de Sociacium". Or, au cours des travaux récents de restauration nous avons découvert dans une salle basse une belle colonne à chapiteau orné d'épaisses volutes, qui est un témoin incontestable de ce donjon du XIIe siècle.

3. CAMPAGNES DU XIIIe SIECLE A L'EGLISE

Au XIIIe siècle, l'église Notre Dame s'enrichit de deux chapelles, l'une au nord, du début du XIIIe siècle, l'autre, au sud de la fin du même siècle ou du début du XIVe, et la statue patronale de Notre-Dame de Bellegarde, qui est aujourd'hui au château des Marais, à Montliard, date de la même époque.

4. AU XIVe : DONJON ACTUEL AU XVe : LE PRIEURE

Entre 1355 et 1388, Nicolas Braque fait édifier l'actuel donjon, sur plan carré ; il flanque de quatre tourelles en encorbellement. Braque fut grand argentier de Jean le Bon et de Charles V. Peu scrupuleux, il joua un rôle très louche dans la guerre de Cent ans. A sa mort, il laissait une fille unique, Jeanne Braque, femme de Jean de l'Hospital. Le domaine de Choisy-aux-Loges (déformation de l'ancien Soisy) resta aux mains des l'Hospital de 1388 à 1645. Ils furent d'habiles administrateurs, très attachés à leurs terres, qu'ils ne quittaient que pour prendre les armes au service de leurs rois.

Au XVe siècle, de leur côté, les Augustiniens rebâtissaient leur prieuré. Cet élégant manoir pré-renaissant, qui n'est pas sans parenté avec le château du bourg de Montliard ou de la Possonière de Ronsard, par exemple, est devenu le presbytère actuel.

5. LE CHATEAU DES L'HOSPITAL

Très disparate, le château des l'Hospital trouve sa physionomie définitive sous Henri IV - Louis XIII; à l'époque ou Claude Chastillon le dessine, et ou Dom Morin le décrit.

Dans la haute cour ou cour d'honneur (actuelle cour d'Antin) il comprend : la tour capitaine, les deux avant-corps à galeries et le pavillon des ondes flanquant le donjon ; Enfin, des bâtiments remplacés par le duc d'Antin, cent ans plus tard.

Dès le XVe siècle, et peut être antérieurement : la tour capitaine. Construite en briques, elle figure sous l'estampe de Chastillon (1564-1606). Selon une tradition incontrôlée, elle aurait d'abord servi de prison. Il est certain, en tout cas, qu'elle devint tour de colombage, et fut aménagée sous Louis XV, par Gautier, sieur de Besigny, avant dernier marquis de Bellegarde en habitation. Fut-elle alors logis du capitaine des Gardes ? Ou son nom lui vient-il de son importance, de son ancienneté (latin : caput) ? La question reste entière.

Sous Henri IV : a) les avant-corps dont les soubassements baignent dans les douves (et dont la partie supérieure a été remplacée en 1844) étaient reliés au donjon par des galeries ajourées dont subsistent les arrachements sur la face nord.

b) le pavillon dit "des Ondes" qui flanque à l'ouest le donjon et renferme un bel escalier à rampe de fer forgé.

c) l'église s'agrandit, au sud, d'une chapelle latérale, couvrant le caveau seigneurial.

Ces travaux sont l'oeuvre de Jacques de l'Hospital (1578-1635) dernier conte et premier marquis de Choisy-aux-Loges, fort belle figure du temps, aussi hardi guerrier (Henri IV lui écrivait, jugeant sa présence indispensable à la veille de chacune des batailles qui devaient le conduire au trône de France) qu'habile administrateur. Cette grande figure trop oubliée mérite un hommage.

Dans le courant du XVII siècle, les derniers l'Hospital édifièrent à une date inconnue, les granges de la basse cour, dont les portes de briques rayonnantes subsistent, admirables, encore que mutilées par de hideuses verrues.

En 1645, le duc de Bellegarde, après un échange avec le grand condé, donne son nom à l'ancien Choisy. Dès janvier 1646, il meurt. Son successeur par les femmes, Jean Antoine de Pardaillan est un pittoresque personnage. Homme de sac et de corde, un curieux procès l'opposa à sa femme, née Anne-Marie de Saint-Lary-Bellegarde (qui était aussi sa nièce). Elle se prétendit empoisonnée par lui et séquestrée dans son château de Bellegarde. Il faut dire, que Pardaillan quand il l'épousa avait 51 ans ; elle n'en avait que 21. Le procès dura plus de 50 ans, et quand le duc mourut en 1687, il en avait 95 : la duchesse, de son côté, mourut en 1715, âgée, malgré les mauvais traitements dont elle se disait victime de 93 ans.

Le château fut laissé par Pardaillan dans un déplorable état d'abandon. A la suite d'un grand incendie, la charpente fut refaite dans l'état où nous la voyons actuellement.

6. BELLEGARDE A SON APOGEE : D'ANTIN

En 1692, le duc d'Antin achète Bellegarde à la veuve de Pardaillan, sa tante. Surintendant des Bâtiments du Roi, pionnier de l'Urbanisme comme de l'urbanité en France, il remanie les deux cours du château pour aménager dans la haute cour ses appartements personnels, et dans la basse cour ses prestigieuses écuries.

Le congrès Archéologique de France en 1930 a mis en doute ce changement d'affectation : D'Antin désertant son donjon pour habiter les pavillons de la haute cour. La chose est pourtant certaine. J'ai trouvé un testament de Gautier de Besigny, successeur d'Antin à Bellegarde rédigé "dans sa chambre en haut du pavillon de la Salamandre". (Mairie actuelle).

Aidé par la célèbre marquise de Montespan, sa mère, d'Antin donne à Bellegarde le lustre qui fait encore son admiration.

Examinons successivement les souvenirs de son passage à Bellegarde :

1° à l'église, les deux reliquaires de bois doré qui se trouvent dans la chapelle nord ;

2° les écuries les plus luxueuses d'Europe occupées, aujourd'hui en partie, par la basse cour

3° le pavillon "Dôme ou porte triomphale des écuries". L'archivolte de brique surmonte une porte refaite en 1844. Elle est sommée de trois têtes de chevaux sculptées qui émergent d'une peau de panthère aux pattes pendantes, attribuées à Coysevox. Dans le fronton s'inscrit le blason d'Antin, coiffé de la couronne ducale, enrobé d'un manteau de pair de France, et flanqué de deux palmes très finement sculptées :

4° le pavillon du jardinier

5° le pavillon d'Antin occupé aujourd'hui par le café du château

6° le pavillon de la Salamandre. Entre ces deux derniers pavillons se trouve une grille en fer forgé qui a remplacé en 1836, celle de d'Antin, beaucoup plus belle.

7° anciennes cuisines : Après l'emplacement d'un pavillon viennent les anciennes cuisines de d'Antin, qui suit le pavillon Capitaine, plus haut décrit.

8° Pavillon de sa Surintendance : Il date de 1720, et porte son nom en hommage à d'Antin, surintendant des bâtiments du Roi (ministre des Beaux-arts, en terme actuel).

9° Donjon : D'Antin, le réaménagea complètement. Il y perça de grandes baies, qui sont selon le mot d'Auguste Perret, "la respiration même du siècle des lumières". Au sud, il édifia un très élégant perron de fer à cheval, remplacé par celui de Voisins dont nous allons parler.

Signalons pour finir :

1° Que d'Antin, qui avait quitté son donjon, le réserva à ses hôtes de marques : Louis XIV, Louis XV, le Régent, le Roi Stanislas (qui y resta plusieurs mois) et Voltaire, entre autres. Les appartements qu'il y avait aménagés portaient le nom de "Chambre du Roi" et "Salon du Chancelier Boucherat".

2° Que tous les travaux ci-dessus décrits ont été exécutés en dix années : De 1717 à 1727, le duc d'Antin mourut en 1736 à Paris, et tint à être inhumé à Bellegarde. Mme de Montespan, sa mère, avait été toujours, elle aussi, très attachée à Bellegarde ou elle résida souvent. Son dernier mot, mourante à Bourbon l'Archambault, fut le nom de Bellegarde.

3° Nous devons à ces deux mécènes les tableaux, étudié par M. Monnier, qui se trouvent dans l'église, et proviennent de la galerie des tableaux du château (ancien avant-corps de droite).

7. DERNIERS TRAVAUX

1° En 1782, Gilbert de Voisins, président au Parlement de Paris, dernier marquis de Bellegarde, fit exécuter par Viel, l'actuel escalier d'honneur de la face sud. Il illustre le triple goût de l'époque de l'antique, de la nature et de la raison.

2° La grille de la cour d'Antin ci-dessus signalée a remplacé en 1836, celle du duc d'Antin, enlevée par les alliés en 1815.

EN RESUME

Trois grandes figures ont donné à Bellegarde sa physionomie actuelle. Notre ville doit son acte de naissance à Nicolas de Braque, ses lettres de noblesse à Jacques de l'Hospital, et son certificat d'urbanisme au duc d'Antin.